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« Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures » (Homélie 10 mai 2020)

Quelques mots sur le texte d'évangile de ce 5ème dimanche de Pâques. Nous sommes au chapitre 14 de saint Jean où la mort de Jésus se rapproche à grands pas. Au chapitre 13, il a lavé les pieds de ses disciples et commenté cette nécessité pour eux d’en faire autant et saint Jean dit : « Après avoir parlé ainsi Jésus fut bouleversé en son esprit, il rendit ce témoignage : ‘amen, amen, je vous le dis, un de vous me livrera’ »



"Que votre cœur ne se trouble pas"

 

Et c’est Judas à qui Jésus donne la bouchée de pain et le texte continue : « Satan (l’esprit du mal) entra dans Judas et ayant pris la bouchée de pain que lui tendit Jésus, il sortit. Il faisait nuit. » 

C’est donc la nuit. Nous sommes dans cette ambiance troublée à la fois dans le cœur de Jésus (il y a de quoi) et dans le cœur de ses disciples. C’est là que Jésus dit : « Petits enfants, c’est pour peu de temps que je suis encore avec vous… vous me chercherez, et comme je l’ai dit aux juifs : ‘là où je m’en vais, vous ne pouvez pas aller. Et je vous le dis à vous aussi »

Et c’est ensuite que vient notre texte : « Que votre cœur ne se trouble pas, vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi » ! Cette formule est très importante pour nous. Elle court en plusieurs endroits notamment dans le livre de Josué après que le peuple d’Israël a traversé la mer Rouge et va affronter toutes les populations qui s’y trouvent. Josué est investi dans cette mission d’invasion après la mort de Moïse. Et le Seigneur lui dit : « Lève-toi, passe le Jourdain que voici, toi avec tout ce peuple, vers la terre que je donne aux fils d’Israël… Ne t’ai-je pas commandé : « sois fort et courageux… ne crains pas, ne t’effraie pas, car le Seigneur sera avec toi partout où tu iras ». (Josué, 1, 9). 

Dans notre texte de Saint Jean, nous avons les mêmes formules, mais Jésus n’envahit pas un terrain ennemi, mais il affronte la mort à venir provoqué par la haine, la volonté farouche de tuer, de trahir, bref le noir péché de l’homme… et ici il est troublé et ses disciples aussi… c’est normal ! « Que votre cœur de ne trouble pas ! » « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi ! »

" je reviendrai vous prendre avec moi"

Pourquoi dit-il cela ? Est-ce uniquement pour sécuriser les disciples qui ont peur.  Non il n’y a pas qu’une réassurance psychologique, car il continue : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures… sinon vous aurais-je dit : je pars vous préparez une place ? et ensuite je reviendrai vous prendre avec moi ».  Je n’ai jamais trop compris cette phrase-là : il part nous préparer chacun une demeure dans la maison du Père et il reviendra nous prendre avec lui. » Que veut-elle dire ? 

Pour comprendre cette phrase, il faut partir du fait qu’entrer dans la maison du Père, là où c’est plein d’amour et de vie éternelle, cela nous est très difficile sinon impossible pour nous. Nous en faisons l’expérience tous les jours. Pour cela, il faut que le Christ nous ouvre la porte. Et comment nous ouvre-t-il les portes de la maison du Père ? A travers son affrontement de la mort et du mal jusqu’à ressusciter plein de Vie. 

Quand nous sommes dans la rancune et dans la haine, nous ne sommes pas dans la maison du Père. Nous sommes à coté, même dehors, incapable d’ouvrir la porte, n’ayant aucune envie de l’ouvrir peut-être. Et lui le Christ affronte la haine avec beaucoup d’amour de Dieu en lui et par là défonce ses portes blindées. Nous pouvons être comme ce psalmiste rendant grâce pour sa libération : « Car il (le Seigneur) brise les portes de bronze, il casse les barres de fer. ils avaient toute nourriture en dégoût, ils touchaient aux portes de la mort » (psaume 106). Demandez-lui de revenir vers vous du haut du ciel, pour que votre rancune se dissolve et vous introduise dans la demeure du Père Amour. Et vous vivrez. 

 

témoignage

Je pense à Jacques Fesh, un homme qui avait tué un policier… condamné à la guillotine. Dans sa prison, il découvre Jésus et se met à un long travail intérieur de rédemption, de purification… et en 1957, il meurt… et il écrit : « Dans 5 heures, je verrai Jésus », lui qui avait braqué, vivait dans les demeures d’une vie de vols et de paradis artificiels, hors des demeures du Très Haut… Il est entré par sa conversion dans les demeures du Père, lui qui, selon sa vie avait tué, et ‘n’y avait pas le droit’…  Jésus est venu le visiter pour l’y introduire et il s’est laissé visiter ! 

laissez Jésus revenir vers vous

Quand nous sommes dans la médiocrité de vie, quand nous n’avons pas de personnalité pour dire non, nous ne sommes pas dans la maison du Père et Jésus affronte cette foule médiocre avec beaucoup d’amour pour nous. Laissez-le revenir vers vous pour que son amour vous mette dans la maison du Père.

Quand nous sommes dans cette solitude existentielle du fait de la maladie par exemple, nous avons conscience d’être loin de la demeure pleine d’amour du Père… et Jésus affronte la solitude de la mort, cette froideur sans nom lié au manque d’amour… laissez Jésus revenir vers vous dans sa Résurrection et toucher votre cœur. Et il vous prendra pour vous introduire dans la maison du Père ou votre place est déjà prévu, où votre nom est inscrit « Tu as du prix à mes yeux et moi je t’aime » dit le Seigneur dans le Livre d’Isaïe. 

Dans les funérailles, ce texte est souvent pris… car lorsque quelqu’un affronte les portes de la mort, il faut prier pour lui : ‘Seigneur, tu lui as ouvert déjà les portes de la mort en Jésus, mets-le à la place que tu as préparé depuis ta Croix et ta Résurrection et mets-le à cette place, car il est ton enfant »

Pour vivre tout cela, que faut-il faire ? « Vous savez le chemin » dit Jésus… Et quel est le chemin pour connaître la demeure du Père ? C’est Jésus, lui-même qui dit : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » c’est-à-dire ‘Je suis le Chemin d’amour qui fait la Vérité en nous-mêmes pour nous mener à la Vie’. 

 

Que cette fête de Pâques nous fasse entrer encore davantage dans les Demeures du père par ce chemin d’Amour absolu qu’est la confiance en la personne de Jésus, mort pour nous y introduire ! 

 

p. Jean Michel Moysan