Vendredi après-midi, p. Yves L'Aot nous a quittés, discrètement. Mardi après-midi, 21 juillet, ses obsèques ont été célébrées par Mgr Dognin en l'église St Matthieu à Morlaix en présence de
nombreux confrères prêtres, de sa famille et des paroissiens. Cet à-Dieu tout en douceur ponctué de témoignages (paroissiens et famille) a mis en lumière ce que l'on connaissait de lui : un homme
discret, affable, sensible et à l'écoute, un homme de foi.
Homélie du p. Lommig Gonidou
« Qui accueille en mon nom un enfant comme celui-là, dit Jésus, un petit comme celui-là, c’est moi-même qu’il accueille. »
"En mon nom", dit Jésus, c’est-à-dire en mon absence, quand vous prendrez la suite, quand vous continuerez à bâtir le monde fraternel que je suis venu inaugurer au milieu de vous.., vous accueillerez les petits…
C’est ainsi qu'Iffig a pris la route à la suite de Jésus, dans l’accueil des plus petits, dans l’attention aux plus humbles, dans la plus grande disponibilité à chacun et le respect de tous.
Vendredi après-midi, Iffig nous a quittés.., discrètement… Comme il a vécu discrètement son parcours de maladie, continuant à servir la communauté chrétienne, tant qu’il l’a pu… Comme il a quitté Morlaix, il y a quelques semaines.., discrètement.
Iffig était particulièrement brillant intellectuellement : il analysait vite et précisément les situations, jugeait avec finesse et savait apaiser les tensions.
Il était brillant, mais il n’a pas voulu briller. Il n’aimait pas le devant de la scène. Il préférait la place la plus discrète, « au cœur des masses » comme le Père de Foucauld. Peut-être doutait-il de lui-même ? C’est son secret.
Il aimait plutôt la rencontre, l’écoute attentive et l’accompagnement des personnes. Il avait le plus grand souci des petits et des humbles.., des malades à l’hôpital, des personnes âgées en maison de retraite..
Indépendant et personnel, Iffig était un pasteur qui avançait en liberté, assez peu soucieux des orientations, des projets pastoraux..,
mais toujours disponible pour accompagner une maman catéchiste découragée, un animateur de funérailles plein d’appréhension, et toute personne qui avait un fardeau trop lourd à porter… Sans négliger les brebis du bercail.., il allait spontanément au-devant de celles qui n’étaient pas dans les clous !
Je me souviens qu’à Sainte Thérèse de Quimper, il allait volontiers à la rencontre des « paumés » du quartier de la Gare ; il les apprivoisait par sa délicatesse et son humour .., et son respect.
Son charisme le portait, comme le Père de Foucauld, vers les plus éloignés, les plus oubliés. Ce charisme, il l’a cultivé paisiblement pendant près de 20 ans en pays de Morlaix.
Indépendant et personnel, à nos rencontres de Fraternité, il venait à son heure.., qui n’était pas nécessairement l’heure prévue ! Il avait toujours quelqu’un à voir, à encourager, à relancer, en urgence.
Iffig aurait pu être un maître ; il a choisi d’être un frère, simplement, à cause de Jésus et de l’Evangile… Jésus et l’évangile qui nous interpellent vivement sur notre accueil des petits et des humbles, notre attention aux plus éloignés et aux plus oubliés, avec le souci « qu’aucun de ces petits ne se perde. »
Homélie du p. Laurent Laot
Iffig a recherché « la suite de Jésus » sur qui il avait fondé sa foi et son espérance de chrétien. Par où, comme homme et prêtre, il a eu un parcours sacrément singulier de vie placée sous des signes de gratuité aimante en « actes et en vérité ». Ce qui l’a rendu disponible au souffle de l’Esprit pour s’orienter selon une dynamique de « vie donnée » qui s’est traduite en déprises étonnantes de soi se faisant remise confiante de soi (en toutes ses capacités) au service désintéressé, mais ô combien ensoleillant, des autres que soi – sans distinction des personnes (« tout le monde compte.., ou personne ne compte ! » selon un adage américain si devenu d’actualité.)
Dans les manifestations de « déprise(s) de soi », il en fut :
- qui ont pu inquiéter : ainsi de celles qui ont signifié son peu de souci de soi quant aux pratiques relatives à l’hygiène de vie/santé – une forme de laisser-aller à cet égard (au fond : « A Dieu vat ! ») ;
- qui ont donné de s’en réjouir : ainsi de son tempérament primesautier – autre forme de laisser-aller, cette fois à ses coups de tête ou de cœur .., comme d’ailleurs à ses passions particularisées du jeu et du sport…
Mais je voudrais souligner surtout la plus fondamentale de ses manifestations de « déprise(s) de soi » : celle qui s’est exprimée au regard de ses éblouissantes capacités au plan intellectuel, validées notamment par une spécialisation initiale du plus haut niveau à Rome dans la discipline du droit ecclésial – du Droit Canon… Sur cette base, il a déjoué tous les plans qui ont pu être échafaudés ou imaginés à son sujet… Après tout, même les portes d’une « carrière » dans la diplomatie vaticane pouvaient s’avérer lui être ouvertes ! Mais ce n’était décidément pas son chemin. Pas plus que n’a été son chemin, l’exercice de responsabilité de grande importance dans l’institution ecclésiale.
Et de fait, pas davantage, quoiqu’expérimentés ou empruntés quelque temps, les chemins d’une charge d’enseignement au séminaire, ou de fonctions dans les services juridiques de l’Officialité diocésaine et inter-diocésaine. A cet égard particulier, je crois qu’ l’explication est celle-ci : toutes nécessaires que lui paraissaient les règles de droit, il tenait tant à ce que celles-ci s’appliquent de telle manière que les raisons du sens des personnes l’emportent toujours sur les raisons de l’intérêt de l’institution.
Plus généralement et profondément encore, ce qui lui a constamment tenu à cœur, ce fut de faire prévaloir les raisons d’évangile sur les raisons de l’institution Eglise. Ainsi, d’esprit libre envers cette dernière et ses lignes officielles d’orientation, a-t-il choisi de s’investir dans des fonctions exercées au ras des terrains de la vie ordinaire des gens – tout en les faisant bénéficier de son acuité intellectuelle. Ce furent ses chemins. Et il est allé ces chemins-là (ici à Morlaix comme ailleurs auparavant), la tête gardée hors de l’eau – parfois difficilement il est vrai, car il avait ses fragilités – et les pieds, eux, toujours engagés sur des sentiers de bonne humanité aimante de tout un chacun, ensoleillant la vie autour de lui, rendant la vie bonne à vivre avec lui…
prière lue ensemble lors des obsèques
Mon Père,
Je m'abandonne à toi,
fais de moi ce qu'il te plaira.
Quoi que tu fasses de moi, je te remercie.
Je suis prêt à tout, j'accepte tout.
Pourvu que ta volonté
se fasse en moi, en toutes tes créatures,
je ne désire rien d'autre, mon Dieu.
Je remets mon âme entre tes mains.
Je te la donne, mon Dieu,
avec tout l'amour de mon cœur,
parce que je t'aime,
et que ce m'est un besoin d'amour
de me donner,
de me remettre entre tes mains, sans mesure,
avec une infinie confiance,
car tu es mon Père.
Prière de Charles de Foucault