Les commandements ont-ils leur place dans la foi chrétienne ?… car la foi porte sur Jésus sauveur, pas sur des commandements ! De plus, l’amour ne doit pas être commandé, mais venir de ma liberté !
Il y a du vrai dans ces réactions ! Certains ont quitté la foi, car elle était devenue pour eux une morale ! Et une morale seule dessèche l’âme, nous construit une personnalité dure, sans compassion pour les ‘impurs’. S’il y a du vrai, il y aussi du faux dans ces réactions : beaucoup de passages de la Bible (et même du Nouveau testament) emploie le mot de ‘commandement’ pour dire ‘ce que nous avons à faire’ quand nous devenons chrétiens : la foi nous commande… mais quoi ? « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Luc 10, 27). J’en serai donc prisonnier ?
‘obligé’ à la compassion
Pour comprendre cela, il faut renverser les perspectives : dans la générosité de la foi, est-ce moi qui va vers l’autre librement comme un grand seigneur donner mon amour, ou est-ce l’autre qui criant vers moi me sollicite et m’oblige à le regarder en face ? En fait, mon cœur a été ouvert par le Christ et je suis ‘obligé’ à la compassion, si je veux être humain, car mon frère est là…
Puis-je le délaisser ? Oui, si je suis prêtre ou lévite, ne devant pas fréquenter les impurs (mes principes comptent en premier) et donc je ne le vois pas… Non, si la compassion est née au cœur, ayant vécu moi-même cette blessure d’être rejeté comme le Samaritain ou… si Dieu, un jour, m’a blessé de son amour et est venu me prendre et me relever dans une fragilité… que puis-je faire alors pour rendre tout cela, sinon d’aimer en retour (Lui et les autres). J’y suis obligé intérieurement (spirituellement), autrement je suis un égocentrique !
la voie ‘supérieure' à toutes les autres
La rencontre avec Dieu ‘oblige’ à l’amour. Elle rend plus sensible à la souffrance des autres : « J’enlèverai votre cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair » (Ez 36). Voilà ce que produit la Grâce du Christ en nous : un cœur de chair obligé d’aimer et d’aimer à la ‘perfection’…
Notons que cette perfection s'accompagne d'une culpabilité qui va alors nous travailler sans arrêt : pourquoi ai-je détourné le regard devant tel pauvre aujourd’hui ? Ai-je fait assez pour un tel ? etc…
Que faire avec cette culpabilité de ne pas assez aimer ? L’offrir et s’en remettre au Seigneur qui nous donnera lui-même cette croissance de l’amour !
Mais si le cœur de chair redevient de pierre, refroidi dans des principes, il lui faut revenir au commandement : ‘tu aimeras’, car c’est cela la voie ‘supérieure' à toutes les autres » (1 corinthiens 13)
P. Jean Michel Moysan