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« Trois anges veillent, au seuil du Carême... »

Trois anges veillent, au seuil du Carême, pour nous accompagner en ce voyage : l'ange de l'aumône, c'est-à-dire du don sans retour, l'ange de la prière, c'est-à-dire de la parole reçue de Dieu et tournée vers Dieu, l'ange du jeûne, c'est-à-dire du besoin vital devenu offrande de liberté.



Le premier ange se tient entre nous et autrui, le deuxième entre nous et Dieu, le troisième entre nous et le monde. Qu'ont-ils à nous dire, à l'heure où l'Église s'engage dans sa marche au désert, vers Jérusalem, à la suite du Christ ?

sous le regard de Dieu

Ils nous rappellent d'abord que nous ne sommes pas chrétiens seuls, mais chrétiens solidaires. Solidaires de cet immense courant d'humanité qui, des ashrams aux synagogues, des temples aux mosquées, à travers la diversité des civilisations et des cultes, a signifié sa quête de Dieu par le jeûne, l'aumône et la prière… Mais nous y entrerons à la suite du Christ, et selon le Christ. … Nous sommes invités à passer d'une conduite sous le regard des hommes, motivée par ce regard et déployée sur la scène publique, à une conduite sous le regard de Dieu, motivée par lui seul, et recueillie "dans le secret", là où pénètre son seul regard. …

Mais au-delà s'ouvre la conduite filiale : elle concerne et convoque chacun de nous, singulièrement : "Pour toi, quand tu fais l'aumône…" Et voici que se creuse en nous un autre espace. C'est, au cœur de notre être, le lieu de l'intériorité inviolable, ce saint des saints où nous-mêmes n'avons accès que par révélation. De ce lieu montent notre prière et notre offrande ; et si nous devons jeûner en nous parfumant le visage, c'est qu'ainsi notre visage reflétera la joie silencieuse... Il nous est seulement dit qu'en ce lieu notre Père des cieux est présent.

"Abba, Père"

Ces gestes font brèche vers le Père. … Et que peut nous donner le Père, sinon précisément de le connaître comme notre Père, et de nous reconnaître comme ses enfants ? Alors notre jeûne, notre prière, notre aumône peuvent vraiment rejoindre, bien au-delà de ce que nous en percevons, la grande attente spirituelle de nos contemporains…. Ils remplacent la société du spectacle… par l'intimité silencieuse de l'âme, où Dieu habite. Ils restituent au corps propre sa pudeur… sans pour autant l'exposer à tous regards. Ils prennent à rebours les lois du marché, introduisant la gratuité toujours un peu folle du don sans calcul ni raison.

Alors, la prière prend forme filiale : "Abba, Père". Alors, l'aumône se fait fraternelle. Et le visage lavé par le jeûne peut poser sur le monde un regard de bénédiction.

 

Marguerite Léna, philosophe,

 extraits d’un article de La Croix Carême méditer l’évangile du Mercredi des Cendres  (la-croix.com)