Cette question est celle de publicains, pas aimés parce que collaborateurs. Ils sont subjugués par la Parole forte de Jean-Baptiste : « Engeance de Vipères, qui vous a appris à fuir la colère qui vient… produisez donc du fruit… » Luc 3, 7) et leur carapace se fissure, car leur âme est vide.
Cette question est celle de soldats, des gens de guerre, employés pour maintenir l’ordre. Ils ont tressé une couronne à Jésus, lors de son procès (jean 19, 2), ils se sont moqués de lui (Luc 23, 36), se sont partagés les vêtements (Jean 19, 23)… Bref, ce sont des durs ! Mais ils sont attirés par Jean-baptiste, et sont remués aux entrailles : « Maître, que devons-nous faire ? »
Qu’est-ce qui fait que des hommes durs, exclus, fondent, pleurent et se posent la question d’une conversion ?
La réponse est simple : Jean baptiste est un homme de Dieu. Il s’est laissé vidé de toute médiocrité et toute montagne et toute colline seront abaissés), a laissé l’Esprit de Dieu l’habiter en venant au désert - le lieu vide par excellence- et il ne vit plus que de Lui, Dieu (« ce n’est pas moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi », dira Saint Paul)… et là ça rayonne et là il rugit, parce que Dieu n’est pas aimé… « L’amour n’est pas aimé », disait souvent Saint François d’Assise, selon Thomas de Célano, son premier biographe
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Et la médiocrité, le manque d’amour met Dieu en colère… , Et quand quelqu’un vit de cette hauteur qu’est l’Amour de Dieu, ses paroles arrachent chez les plus durs des hommes, la question : « Maître, que devons-nous faire ? » Le vide d’une vie est mis a nu. Et là Jean Baptiste ne demande pas de se retirer au désert, mais de vivre son quotidien en étant juste, en arrêtant la violence, en se contentant de sa solde… C’est en devenant juste dans son quotidien qu’on est sauvé !
Mais chez Jésus il y a davantage ! En plongeant dans l’eau du Jourdain, le disciple de Jean baptiste est pardonné par Dieu parce qu’il se convertit et devient fidèle et juste. Le Disciple de Jésus plonge, non dans le Jourdain, mais en Jésus lui-même, dans le feu de son amour crucifié et de sa sainteté. C’est en lui la plénitude de Dieu donné par l’Esprit saint.
On prête à François cette réponse à un de ses frères :
- Dieu, fit observer frère Léon, réclame notre effort et notre fidélité.
- Oui, sans doute, répondit François. Mais la sainteté n’est pas l’accomplissement de soi, ni une plénitude que l’on se donne. Elle est d’abord un vide que l’on se découvre et que l’on accepte, et que Dieu vient remplir dans la mesure où l’on s’ouvre à sa plénitude. Notre néant, vois-tu, s’il est accepté, peut devenir l’espace libre où Dieu peut encore créer.
(Eloi Leclerc, Sagesse d’un pauvre, Paris, Editions franciscaines, 1984, p.114)
+ Père Jean-Michel MOYSAN, curé