« A quoi bon s’intéresser à un récit de souffrance vieux de 2000 ans ! » « A quoi ça sert… pour lui, c’est ini ! nous, nous souffrons toujours ! » ; « ça apporte quoi de lire ça quand on est au fond du trou ? » Voilà ce qui peut venir dans nos pensées à l’écoute de la Passion… disons-le abruptement : Si on le lit comme un récit de souffrances, on n’y verra que son propre miroir… et on quittera la lecture ! mais si on le lit comme un récit de souffrances d’un homme de Dieu, habité par Dieu (pensons à Maximilien Kolbe, Mère Térésa), il nous donnera de la force, car le récit des témoins de la foi nous donne a postériori de l’énergie spirituelle.

Mais pour le récit de la Passion, il nous faut aller plus loin. Il nous faut le lire comme un récit de souffrances vécues par Dieu-le Fils dans son humanité de Fils… Là, une autre dimension vient : ce n’est plus du passé ! c’est du présent. Car Dieu, c’est du présent ! Quand on le lit, on y voit à la fois ce que chaque homme d’aujourd’hui peut vivre de souffrances (physique, psychique, spirituelle)… et surtout et c’est le plus important, on y voit la traversée de la souffrance par le Fils et Sa victoire sur la mort ! « O mort, où est ta victoire? O mort, où est ton aiguillon?... Mais grâces soient rendues à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ! » (1 co 15, 55s)

Chaque moment de la passion est une entrée progressive ‘en enfer’, se prenant les forces du mal en plein visage… mais dans les quelques paroles du Maître (Jésus est taiseux), on y discerne sa vie spirituelle en plein combat contre la puissance diabolique… avec des phrases très fortes : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! Pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants ! » ou « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » ou au bon larron « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » ou Jésus poussa un grand cri : » Père, entre tes mains je remets mon esprit. »

Tout cela respire déjà la victoire sur la mort par l’amour, ceci au cœur même de l’abjection, du réel le plus bas… Il a progressivement placé son cœur tout en Dieu et il assume tout et en est victorieux : « Pendant les jours de sa vie dans la chair, il offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect. » (Hébreux 5, 7)
Le récit de la Passion est un texte spirituel, c’est-à-dire comme le récit d’une victoire sur la mort arrivé à Dieu le Fils, une histoire propre à nous soutenir spirituellement dans nos enfers… Alors toute la lecture change et elle est pour nous source de force et courage ‘en’ Christ qui a vaincu la mort !
+ Père Jean-Michel MOYSAN, curé